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Décarbonation des entreprises pharmaceutiques : comment l’initier ?

Que vous soyez manufacturier pharmaceutique ou façonnier, vous ne devez pas être sans savoir que le Leem a instauré en octobre 2023, la signature d’un pacte collectif de branche. Le consensus, intitulé « Plan de Décarbonation du Leem », vise à aligner l’industrie du médicament avec les objectifs des Accords de Paris de 2016. Une étude menée par le syndicat en 2022 rend le secteur responsable de 4,4 % des gaz à effet de serre (GES) mondiaux. Le périmètre de « la production médicamenteuse française » génère, à elle seule, 11,8 MtCO2e d’empreinte carbone. En avril 2023, la feuille de route de la filière pharmaceutique, publiée par le Conseil national de l’industrie, mentionnait que 60 % des entreprises de la branche n’avaient pas encore engagé leur bilan carbone. Si les freins existent, les bénéfices d’une transition sont nombreux. Tour d’horizon.

Enjeux et défis de la décarbonation de l’industrie

Les rapports alarmistes du GIEC appellent les nations à accélérer de façon significative les démarches de transition écologique amorcées sur leurs territoires. En 2022, La France s’est ainsi engagée dans un objectif de décarbonation de l’industrie. Cette stratégie « neutralité carbone » vise 4 catégories d’enjeux :

L’abandon du carbone, un défi environnemental

Évidemment, c’est d’abord l’intérêt collectif qui est en jeu. La réduction des gaz à effet de serre (GES) constitue un acte altruiste qui marque une implication dans la santé publique et la lutte contre les incidences néfastes du réchauffement climatique. 

La transition énergétique, une gageure réglementaire

Devant l’accélération de l’urgence climatique et celle des condamnations de la CEDH pour des faits d’inaction, les pouvoirs publics étatiques et communautaires inscrivent leurs objectifs dans un cadre législatif de plus en plus strict. Leur engagement figure dans plusieurs textes fondateurs. Parmi lesquels : 

💡 Le 9 avril 2024, la CEDH (Cour européenne des droits de l'Homme), en condamnant la Suisse pour son inaction climatique, a reconnu le droit des individus à être protégés par l’État, contre les effets néfastes du changement du climat.

Plusieurs niveaux de réglementation astreignent les entreprises à s’impliquer : en France, ces exigences prennent, par exemple, la forme de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), applicable depuis le 1er janvier 2024. Cette dernière impose aux grandes institutions (celles de plus de 500 salariés et effectuant 50 millions d’euros de CA et 43 millions d’euros de résultat durant deux années consécutives) la réalisation d’un audit énergétique, qu’elles doivent déclarer sur le portail Bilan GES de l’ADEME, sous peine d’une amende qui peut s’élever jusqu’à 50 000 euros.

Un échéancier échelonne les 3 étapes de sa mise en application par type d’entreprises. À ce jour, la réglementation doit entrer en vigueur pour les PME cotées en bourse, en 2026. On peut facilement imaginer qu’une évolution de la loi y oblige toute forme de société, d’ici l’horizon 2030.

La réduction des émissions : une mise économique

Le dicton est connu (et particulièrement adapté au domaine pharma) : « Prévenir vaut mieux que guérir ». Il prend aussi tout son sens dans un contexte de transition écologique vis-à-vis duquel, ne rien prévoir impacte défavorablement. Les coûts de l’inaction climatique sont déjà mesurables et les chiffres qui fleurissent dans les rapports indiquent de nettes tendances :

  • augmentation du coût des assurances ;
  • démultiplication du coût des moyens additionnels nécessaires pour s’adapter aux ruptures non anticipées ;
  • impact croissant sur le PIB.

Si le financement requis pour amorcer une démarche de décarbonation entrave parfois le passage à l’action, elle a un vrai retour sur investissement. Sur le long terme, l’inaction affecte plus sévèrement l’économie de l’entreprise.

L’approche holistique du concept ONE HEALT reconnaît la corrélation inextricable de la santé humaine, animale et environnementale. Elle met en exergue les effets cycliques de la dépendance aux énergies fossiles : la contamination des biotopes provoque des zoopathies qui entraînent des pathologies humaines. Cette représentation démontre le paradoxe du système pharma qui, en contribuant à l’accroissement des GES, intensifie à la fois ce pour quoi elle existe (les maladies), mais engendre aussi ses propres obstacles. L’augmentation des évènements météorologiques extrêmes, notamment dans les pays fournisseurs de matières premières (Asie, Inde…), est l’un des facteurs des pénuries d’approvisionnement qui frappent l’Europe. Les dégradations causées sur les cultures ou les structures de production, ainsi que la hausse des coûts induits sur la fabrication et l’export se répercutent sur les étapes du ONE HEALT.

La transition écologique : une mesure pour « rester dans la course »

La planification des mesures en faveur de la décarbonation encourage des démarches à effet systémiques : par exemple, l’une des idées soumises est de faire appel à des sous-traitants eux-mêmes impliqués dans une stratégie 0 carbone. Au-delà de l’engagement moral, décarboner son activité va s’avérer indispensable pour maintenir sa compétitivité : ne pas l’être risque automatiquement de vous sortir de la boucle, au motif de ne pas contribuer à la synergie verte.

Au-delà du rayonnement de l’entreprise, la France perçoit la décarbonation comme un argument d’attractivité. Les ambitions 0 carbone de l’État se conjuguent avec la politique « Choose France » : être pionnière de l’industrie décarbonée et disposer, d’ici 2025, de zones industrielles écoresponsables, d’une offre de mix décarboné et d’une excellence dans les technologies de décarbonation devraient favoriser l’implantation de firmes étrangères sur le territoire.

Transition énergétique des PME pharmaceutique

Stratégies de décarbonation des fabricants pharmaceutiques

Dans une étude de 2022, l’Observatoire des Compétences Industries identifie 4 sources majeures à l’origine de l’impact de l’industrie pharmaceutique sur l’environnement :

  • l’empreinte environnementale du conditionnement ;
  • l’empreinte environnementale de la logistique ;
  • la gestion post-usage des produits ;
  • l’impact environnemental de la fabrication, en lien avec les normes de qualité et de sécurité des produits.

L’étude met aussi en évidence qu’apporter une réponse à ces enjeux est complexifié par :

  • le cadre réglementaire ;
  • l’absence de solutions techniques ou technologiques ;
  • la complexité des chaînes de valeur et celle de sourcer les produits localement (l’imbrication dans un groupe étranger de certaines filiales françaises limite la R&D locale).

L’accord de branche du Leem fixe 3 leviers d’actions (les trajectoires sont calculées sur la base d’entreprises qui n’ont pas encore initié leur transition) : 

  • décarbonation de l’approvisionnement énergétique ;
  • décarbonation des moyens de production ;
  • décarbonation des mobilités.

Mesures pratiques de transition écologique

Concrètement, ces objectifs sont atteignables à travers l’étude ou la prise de mesures sur :

  • L’optimisation des processus de fabrication : réduction du gaspillage notamment grâce à l’Introduction du lean management et de la méthode Kaizen.
  • L’usage de technologies vertes : utilisation d’un mix énergétique ou de sources d’énergie renouvelable (électricité décarbonée, autoconsommation, contrats verts…) et de technologies à faible empreinte carbone (recyclage de l’eau, captation de C02…) ou tournée vers l’optimisation environnementale (capteurs dédiés au pilotage de l’énergie, au refroidissement, à la gestion prédictive des stocks…)
  • Amélioration du bâti existant : rénovation énergétique, bio climatisation des édifices (toitures végétalisées, ombrage végétal des façades, aération nocturne, occultation des surfaces vitrées…)
  • L’écoconception : réduction de la quantité de matières premières, amélioration du conditionnement, arrêt des emballages à usage unique, notices remplacées par des QR codes, logos de consignes de tri…
  • La gestion des déchets : mise en place de systèmes de traitement et de recyclage.
  • L’optimisation de la mobilité : remplacement des flottes automobiles, sourcing en circuits courts, amélioration des flux logistiques, report modal de l’aérien vers le maritime et du routier vers le ferroviaire, relocalisation d’activités, déplacement des collaborateurs, carburants verts…
  • La gestion des fournisseurs et des matières premières : sourcing européen, cartographie d’approvisionneurs responsables, soumission de charte d’engagement-climat aux prestataires, choix de substances à faible empreinte carbone…
  • L’usage et l’intégrité des données : rationalisation de l’utilisation des datas, emploi à vocation écologique (gestion des performances énergétiques…)
  • L’amélioration de l’agilité : l’adoption de la résilience dans les prises de décisions, nomination d’un référent énergie…
  • Éduquer à la sobriété énergétique des usages : concours CUBE, formations internes des équipes… 

L’exemple des laboratoires Viatris (anciennement Mylan) qui, dès 2013, a su anticiper grâce à deux mesures phares :

  • Internaliser la fabrication des unidoses de Bétadine sur le site français de Mérignac au détriment de l’usine allemande du groupe. L’économie réalisée, principalement sur le fret, s’élève à environ 20 %.
  • Alléger les flacons de Bétadine : en réduisant de 1,7 g la quantité de plastique de ses contenants, le laboratoire a pu économiser 22 500 KgCO2e/an (à raison de 14,50 € la tonne de carbone en 2015).

Source : Ademe

Quicks wins

Il convient de distinguer les actions importantes de celles que vous pouvez mettre en place rapidement. Même si, à elles seules, elles ne suffisent pas à atteindre les objectifs, elles ont le mérite d’initier la démarche et d’obtenir des retours tangibles en peu de temps. Ces actions techniques simples sont basées sur une stratégie d’optimisation de l’existant, nécessitent peu d’investissement et permettent des gains GES substantiels.

Parmi les actions courantes, on peut citer :

  • le renouvellement de l’air ;
  • l’ajustement de la température des boucles d’eau ou d’air (et autres baisses des points de consignes thermiques) ;
  • l’optimisation des flux logistiques et des chargements ;
  • les efforts de réduction des pertes (fuites sur réseau vapeur, émissions fugitives…) ;
  • la rationalisation des usages du bâtiment ou de la mobilité ;
  • la mise en place d’un référentiel de bonnes pratiques environnementales ;
  • les pratiques de réemploi (palettes, matières premières, pièces détachées…)

Dans le secteur tertiaire, les recommandations sans investissement préconisées par les audits s’évaluent de 6 à 25 % d’économies sur la facture énergétique.  

L’exemple de Panpharma, près de Fougères, illustre bien cette méthodologie. L’entreprise de fabrication de produits injectables a pu constater à N+1, les effets bénéfiques de mesures simplissimes :

  • L’utilisation d’un éclairage LED avec détecteur de présence dans les zones à passage modéré a permis de réduire la consommation à 30 % l’initiale.
  • La récupération des déperditions d’énergie dans les combles des zones de production pour alimenter d’autres parties du bâtiment. Cela représente jusqu’à 15 000 € d’économies par an.
  • Le recyclage de l’énergie des compresseurs d’air pour chauffer les locaux qui a permis de supprimer une chaudière.

Source : Ouest-France

Avantages de la décarbonation pour les entreprises pharmaceutiques

Si trouver des arguments en faveur d’un passage à l’action est encore nécessaire à ce stade, alors, résumons les bénéfices de la décarbonation comme suit :

  • Réduction des coûts opérationnels : efficacité énergétique et diminution des déchets, échelonnement des dépenses grâce à l’anticipation, évitement de l’obsolescence environnementale des outils de production, utilisation des aides actuelles… ;
  • Amélioration de la compétitivité : attraction des clients sensibles à une démarche environnementale, minoration de l’impact des émissions de CO sur le prix des produits, gain de la confiance de nouveaux acheteurs… ;
  • Indépendance vis-à-vis des coûts de l’énergie et diminution des dépenses énergétiques ; 
  • Conformité réglementaire : prévision des durcissements de la loi et respect des nouvelles normes.
  • Innovation et financement : accès à des subventions et soutien à la création de procédés novateurs.
  • Valorisation de l’image de l’entreprise, en interne et en externe, en mettant en place une stratégie de transition écologique et de répondre aux exigences des parties prenantes : clients, partenaires, fournisseurs, etc.

Soutien à la décarbonation : les aides financières ouvertes aux ENTREPRISES

En France, plusieurs aides existent pour contribuer à l’effort des sociétés pharmaceutiques dans leur démarche de décarbonation. Voici quelques exemples :

Aides financières 

  • Le Fonds de modernisation industrielle (FMI) propose des subventions pour les investissements qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
  • Le programme France Relance soutient financièrement les entreprises qui s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. 
  • L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) propose des aides financières pour les audits énergétiques et les études de faisabilité de projets de décarbonation. 
  • Les appels à projets « IBAC PME et DEMIBaC » de l’ADEME : aide au développement de briques technologiques et services.

Aides spécifiques à la décarbonation des entreprises pharmaceutiques

Des aides à l’investissement sont spécifiquement dédiées aux acteurs du secteur pharmaceutique. Elles portent sur des leviers qui ne sont pas directement liés à la transition énergétique mais dont les mises en œuvre peuvent la favoriser. Leur attribution est d’ailleurs accordée préférablement aux projets passant par une décarbonation des procédés.

Le plan Innovation Santé 2030 soutient ainsi la relocalisation et la réindustrialisation de médicaments essentiels ainsi que la biothérapie.

Le Projet Important d’Intérêt Européen Santé (PIIEC) quant à lui, accompagne les porteurs de projets d’innovation des procédés de production des médicaments par le verdissement. Une consultation ouverte jusqu’en avril 2024, a permis à différents porteurs de projets de soumettre leur dossier à l’étude.

La décarbonation des entreprises pharmaceutiques n’est plus une option, mais une nécessité pour aligner l’industrie avec les objectifs des Accords de Paris et répondre aux enjeux environnementaux actuels. Les mesures et la stratégie 3R (Réduction, Réemploi, Recyclage) mises en place par le Leem offrent une feuille de route claire pour réduire les émissions de CO2 de manière significative d’ici 2030. Les bénéfices de cette transition sont multiples, allant de la diminution des coûts opérationnels à l’amélioration de la compétitivité et de l’image de l’entreprise

Lugan Consulting : formations et aide à la transition
Crédit photo : Laurent Besnehard - Le 7eme Studio

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